Le scénario

Lawrence Kasdan : Les affres de l'écriture

Le scénariste

L'élu n'est autre que le scénariste débutant Lawrence Kasdan.

Ce jeune New Yorkais d'une trentaine d'années (à l'époque), juste auréolé de sa mise en scène de Body Heat (La fièvre au Corps) fut d'abord le remplaçant de la défunte Leigh Brackett sur The Empire Strikes Back (L'Empire contre-attaque).

Le saviez-vous ?

Le scénario du film Les Aventuriers de l'Arche Perdue fut écrit avant celui de L'Empire Contre-attaque, mais ce dernier fut pourtant tourné avant.

La rencontre

Lawrence Kasdan (scénariste) : « Steven Spielberg faisait partie des gens d'Universal qui avaient décidé d'acheter mon second scénario qui s'appelait Continental Divide (Deux drôles d'oiseaux). Il le montra à George qui l'aima et ils me proposèrent d'écrire le scénario de Raiders of the Lost Ark […]

L'écriture

[…] Juste après que Steven m'ait amené chez George, nous avons passé une semaine à la campagne, à discuter simplement à fond de l'histoire. Nous avons enregistré tout ça sur bande et j'ai terminé avec une retranscription d'environ 100 pages qui renfermait toutes les données essentielles de Raiders » L'Écran Fantastique N°21

Six versions du script furent écrites.

Vous pouvez consulter le fac-similé de la restranscription, ou une restranscription numérique, plus lisible, sur ce site :

Kasdan le cinéphile

En bon cinéphile, Lawrence Kasdan ne put s'empêcher de truffer son scénario de références cinématographiques.

Casablanca
(Michael Curtiz, 1942)

Kasdan fait un malicieux clin d'œil à Casablanca et à son couple mythique. Le lieu de l'action est le même, un bar. La trame est similaire, le destin réuni d'anciens amants. Dans l'original Rick Blaine (Humphrey Bogart) exilé à Casablanca tente d'oublier Ilsa (Ingrid Bergman) son grand amour.

Alors qu'elle entre, il est saoul et lui lance cette phrase mythique : « Of all the gin joints in the wold, she had to walk into mine » « De tous les bistros, de toutes les villes du monde, c'est le mien qu'elle a choisi »

Dans la version de Kasdan, c'est Marion qui est saoule et qui lance à Indy, alors qu'il fait son entrée : « I always knew someday you'd come walking back through my door » « Je savais bien qu'un jour ou l'autre, nos chemins se croiseraient à nouveau »

Stagecoach (La chevauchée fantastique)
(John Ford, 1939)

La chevauchée fantastique

La poursuite en camion est calquée sur celle de Stagecoach (La chevauchée fantastique), et particulièrement la scène, où Indy se voit "contraint" de passer sous le camion.

Cette cascade fut initiée par le cascadeur Terry Leonard.

Voir aussi le chapitre : Effets spéciaux

20.000 Leagues Under the Sea (20 000 lieues sous les mers)
(Richard Fleischer, 1955)

C'est le cas de la séquence d'ouverture en Amérique du sud, où Indiana est poursuivi par les Indiens Hovito. Cette scène est inspirée par 20.000 Leagues Under the Sea (20 000 lieues sous les mers). Kirk Douglas y est menacé par des indigènes armés d'arcs et de lances. Il tente de rejoindre la plage et par la même occasion Peter Lorre qui fuit, non pas en hydravion, mais dans un simple canot. Il finit sa course dans l'eau comme Indy.

Citizen Kane
(Orson Wells, 1941)

Enfin, le dernier plan du film (le travelling arrière sur les milliers de caisses) est une référence évidente à la fin de Citizen Kane, chef-d'œuvre d'Orson Wells (les caisses du mobilier de Xanadu), la caméra s'éloigne de l'incinérateur et l'on découvre enfin le mystère "Rosebud".

Le saviez-vous ?

On doit certainement cette scène à Spielberg, grand fan de l'œuvre. Pour preuve, il a acheté l'un des trois traîneaux utilisé dans le film, il trône maintenant dans son bureau.

Les Aventuriers contient aussi bon nombre "Easter Eggs" (œufs de Pâques). Il s'agit de petits hommages cachés, à l'usage des fans et autres cinéphiles.

Les trilogies peuvent parfois se croiser. Au début du film Les Aventuriers de l'Arche Perdue, l'hydravion qui attend Indy est immatriculé OB-CPO, (Obi-Wan Kenobi et C-3PO, le célèbre robot de La Guerre des Étoiles).

De même, alors qu'Indy récupère l'Arche d'Alliance en compagnie de Sallah, on peut apercevoir sur le mur derrière eux à droite, d'étranges bas-reliefs. Il s'agit d'une représentation de R2-D2 et C-3PO (encore lui !), ils sont aussi (en plus petit) sur un pilier ! Une petite blague suggérée par Spielberg à l'équipe de décoration…

Les apports de George Lucas

Lawrence Kasdan (scénariste) : « George connaissait le héros, la façon dont il serait habillé, il savait qu'il avait un fouet, que c'était un archéologue et un pilleur de tombes. Tout cela allait dans le script, mais ce n'était pas suffisant : il n'y avait rien sur son mode de pensée, sa façon de se mouvoir et de parler […]
[…] Il y a une tendance chez George à s'écarter de trucs vraiment sérieux et les scripts originaux de L'Empire contre-attaque et de Raiders étaient bien plus sombres. Ils auraient probablement été des films moins populaires, mais il se trouve que je suis enclin à écrire des choses sombres. » L'Écran Fantastique N°21

La part de Steven Spielberg

Inventions

Lawrence Kasdan (scénariste) : « L'avantage de l'énergie de Steven c'est qu'il arrive à de merveilleuses séquences qui ne figuraient pas dans le scénario comme le moment où Harrison tue le tireur d'épée arabe ou bien quand la fille dans la classe arbore des paupières qui disent "Love you". Mais l'inconvénient c'est qu'il peut se perdre complètement. »
L'Écran Fantastique N°21

Le saviez-vous ?

* À l'époque Kasdan était moins indulgent vis-à-vis de cette séquence.

Lawrence Kasdan (scénariste) : « Le gag était très populaire, mais il me dérangeait. Je l'ai toujours trouvé brutal par rapport à l'esprit du film. Je ne suis jamais prompt à faire des blagues autour de la mort d'autrui. »

À propos de la fille amoureuse. Cette scène est peut-être inspirée par le film The Eiger Sanction (La sanction), 1975, de et avec Clint Eastwood. À l'image d'Indiana Jones, Eastwood interprète un personnage à double facettes. Il est Jonathan Hemlock, professeur d'arts plastiques dans une université américaine, mais c'est aussi un ancien agent de la CIA. Il collectionne les œuvres d'art grâce aux sommes que lui rapportent les missions effectuées pour le compte d'une agence des services secrets, que dirige un inquiétant albinos surnommé Dragon. Au début du film, il fait son cours devant un parterre de jeunes étudiantes qui sont sous son charme. Les œillades assassines des Aventuriers sont remplacées par des croisements de jambes plus explicites.

• L'idée du cintre de Toht vient aussi de Spielberg ! Il avait utilisé le même gag dans 1941 avec Christopher Lee, mais la scène fut coupée, car, pour une raison inconnue, elle ne fonctionnait pas.

De nombreux clins d'œil au comics Scrooge McDuck (Picsou) de Carl Barks nourrissent ce premier Indiana Jones. La scène du boulet est certainement la plus célèbre chez les fans du canard. C'est un hommage de Spielberg à Barks, fan depuis son enfance.

Altérations

Kasdan regrette toujours les quelques invraisemblances rajoutées in extremis durant le film.

Une bonne blague !

Lawrence Kasdan (scénariste) : « Quelques-unes de ces idées folles finirent effectivement dans le scénario, mais je fus capable de convaincre Steven Spielberg d'en écarter quelques-unes. Ils se moquaient souvent de moi en me disant "Tu ne les écriras pas, mais nous les tournerons quand même". Quand ils étaient en Afrique du Nord, ils m'envoyèrent une photo qu'ils avaient prise montrant Steven, Karen Allen et Harrison Ford tous assis devant une machine à écrire. »

Lawrence Kasdan (scénariste) : « Ce qui me dérange beaucoup c'est que ce qui était traité de façon logique dans le script ne l'a pas était dans le film […] Par exemple, dans le script, Indy implante le lieu-même de ses fouilles pour commencer sa quête de l'Arche et c'était bien loin des endroits établis. Les ouvriers creusaient en secret à l'insu des Nazis. Leur présence était trahie par la fumée que dégageaient les torches utilisées pour repousser les serpents du Puits des Âmes.
Quand j'ai vu le film, je ne pouvais pas en croire mes yeux. Les fouilles d'Indy étaient juste sous le nez des Allemands. Ça m'a tellement tracassé que j'ai posé deux questions à Steven : "D'abord pourquoi n'enlèves-tu pas la séquence des fouilles d'Indy tournées en plein jour, de cette façon, l'on ne verrait pas combien elles sont proches du camp Nazi ? Et pour l'amour de dieu, dans la séquence du coucher de soleil, enlève les ouvriers arabes qui chantent. Ils sont juste là pour travailler en secret, alors pourquoi devraient-ils chanter ?" Mais il n'a pas été sensible à ces suggestions (rires). » L'Écran Fantastique N°21

Les idées d'Harrison Ford

Lawrence Kasdan (scénariste) : « L'autre personne qui dépensa beaucoup d'énergie fut Harrison Ford qui, durant le tournage, s'occupa du personnage d'Indiana Jones et en fit quelque chose de merveilleux, bien meilleur que le script.»

Harrison Ford (Indiana Jones) : « Par exemple lorsque Indiana Jones assomme l'Allemand dans la base et s'aperçoit que l'uniforme de celui-ci ne lui va pas du tout... Cela a été mon idée au départ : j'avais déjà tourné un certain nombre de films avec des scènes de ce genre et j'avais toujours été frappé par le fait (vous l'avez sans doute remarqué) que chaque fois le vêtement "emprunté" va comme un gant à l'emprunteur. C'est complètement idiot ! Alors je me suis dit qu'il y avait là matière à une plaisanterie, et Spielberg a apporté des prolongements à l'idée. Nous y avons travaillé ensemble, car en fait, ce n'est pas l'idée elle-même qui est drôle : c'est la façon dont on l'introduit dans le film. Je pense d'ailleurs que personne ne détient à lui seul le potentiel de créativité qui engendre telle ou telle scène d'un film : c'est un processus beaucoup plus complexe qui, pour atteindre un certain degré d'efficacité, implique un ensemble. »
L'Écran Fantastique N°21

La volonté de Karen Allen

Karen Allen (Marion Ravenwood) : « […] Je me suis battue pour que Marion soit telle qu'elle apparaît dans Les Aventuriers de l'Arche Perdue. J'avais le sentiment de la connaître intimement, je ne pouvais pas concevoir qu'elle ait un comportement de "fofolle", et j'ai dû batailler ferme pour qu'elle conserve sa dignité. Dans l'esprit de Steven Spielberg aussi bien que dans le scénario, elle n'était rien d'autre qu'une espèce d'"héroïne en détresse", et il y avait des séquences entières où elle n'avait rien à faire sinon subir ce qui se passait autour d'elle ou tenter de séduire des hommes. Or par rapport à l'image que je m'étais faite d'elle, c'était un contresens total. Alors, chaque fois que je la trouvais dans une situation pareille, j'allais voir Spielberg et je lui disais : "Pourquoi faut-il que Marion soit aussi passive ? Au contraire, elle doit prendre les choses en mains." On a eu quelques frictions, mais il me laissait toujours lui proposer mes idées et, même si ça le faisait râler, il acceptait de les tester en face de la caméra. À l'arrivée, il a retenu toutes mes suggestions, et c'est ainsi que Marion est devenue Marion. » Les Années Laser n°96

Le saviez-vous ?

On lui doit notamment la scène qui se passe sous la tente, où Belloq lui propose de mettre une robe de soirée. Spielberg lui a lancé le challenge suivant : Justifier le fait que Marion accepte de passer cette robe.

Cette scène est née d'une improvisation avec Paul Freeman.

Karen Allen (Marion Ravenwood) : « […] Et s'il y avait un couteau sur cette assiette ? Et si, dès le moment où je mets la robe, on voyait que je me sers de mes vêtements pour prendre le couteau ? On a brodé une histoire autour de ça. On s'est dit que ce serait bien de refaire le concours de boisson. Je crois qu'il va être ivre et que je pourrai me sauver. Et, en pleine improvisation, je me suis dit : "ça y est on a trouvé, c'est parfait. C'est plein de rebondissements". » DVD de bonus

Dernière mise à jour le 23/06/2012

Copyright © 2003 - jones-jr.com | version 4.0 | Plan du site | mravenwood @ orange .fr